Chasse, pêche, nature…
Toujours dans mon trip polar rural, j’ai été attiré par ce roman qui a déjà eu quelques bonnes critiques. Résultat : un très bon moment de lecture. On est bien dans du polar, avec des montages crapuleux, de la violence, des coups de feu, des héros et des salauds, et ça se passe à la campagne, dans le Berry, avec des malversations, des enfouissements de matières dangereuses, des agriculteurs malins, pour ne pas dire retors. Quand ça tire, c’est souvent au fusil de chasse, avec des taux d’alcoolémie de trois grammes dans chaque bras, et pas seulement sur des chevreuils.
Romain est un jeune homme qui vit dans les bois, c’est à la fois un exclu et un surdoué, marqué par un bec-de-lièvre. Il a eu une enfance difficile, racontée à coups de flash-back, il vit de petits boulots, rendant service ici et là. À force de se balader partout, il est le premier à repérer ce qui ne va pas, et notamment ce drôle de couple qui circule dans la région en Mercedes, qui fait des affaires dans la disparition par enfouissement de déchets urbains et industriels.
Depuis l’école, Romain aime Solène, qu’il trouve tellement belle, qui a toujours été sympa avec lui. Solène n’est pas indifférente mais elle est devenue maire de la commune, elle gère le village avec beaucoup d’énergie et d’efficacité, elle est à l’écoute et donne de son temps, elle est occupée à bien d’autres choses. C’est à la suite d’un appel téléphonique qu’elle se retrouve en pleine nuit au milieu d’un champ retourné par des pelleteuses, alors que des camions pleins de déchets attendent pour déverser leurs saletés.
La Proie et la meute est un roman très haut en couleur, les événements dégénèrent vite et la violence s’impose, ça bastonne pas mal et on est très pris par le récit. C’est parfois manichéen, avec un héros qui semble avoir des super pouvoirs, mais peu importe, il y a un vrai souffle qui transforme la campagne française en far-west, avec des personnages très bien campés, très réalistes, parfois très attachants. De plus, on y trouve une sensibilité antifa particulièrement jouissive.
C’est aussi très bien écrit, évocateur dans les descriptions, avec des ambiances tendues, immersives quand il est question de l’usine d’abattage de poulets ou de chasse et de pêche.
« Au moment précis où le sanglier charge, le père lâche la dague en hurlant pour sa vie. L’épieu télescopique de Casela se plante droit dans la nuque de l’animal, le stoppant net dans sa course. L’ongulé émet un cri puissant en expirant. Le temps se fige, une poignée de secondes. Puis, avec la précision de l’habitude, le chasseur extrait sa lame du cou du sanglier, libérant un flot de sang noir et épais. À quatre pattes sur les tiges de maïs, le politicard rend son déjeuner en toussant.
Tout en repliant le manche de l’épieu, Casela ajoute à l’attention de l’enfant en état de choc à ses côtés :
– Regarde, petit. Regarde bien. On le voit, maintenant qu’il est sur le flanc : en fait, c’est une femelle. »
Simon François en est à son deuxième roman et c’est une belle réussite. Il faut lire La Proie et la meute, un très bon roman pour parler de ce qui se passe à la campagne, entre traditions qui se perdent et mauvaises habitudes qui perdurent, voire qui se renouvellent.
François Muratet
La proie et la meute, Simon François, Editions du Masque, 2024
Illustration © Adèle O’Longh