Ouvrir un roman de Paul Auster, c’est toujours se plonger dans un récit plein d’inventivité. Ici l’auteur nous convie à une lecture marathon (plus de 1000 pages) et prend un malin plaisir à nous désorienter en nous montrant à chaque chapitre une histoire nouvelle, version différente de la précédente. À nous de recoller les morceaux. Alors on se prend à penser que la vie du personnage principal tient essentiellement au hasard et qu’il suffit de peu de choses dans l’existence pour que tout bascule vers une autre issue. L’histoire de Ferguson est le long parcours sinueux et semé embûches d’un juif laïc que l’on suit de l’adolescence à l’âge adulte. Des années 50 aux années 70, on vit avec lui toutes les premières fois : premier amour, premières pertes, premier deuil, premières déceptions. Avec ce jeune homme issu de la classe moyenne de la banlieue new yorkaise, à la vie intérieure tourmentée, on participe pleinement aux grands épisodes de l’époque : la lutte pour les droits civiques, la guerre du Vietnam, l’assassinat de Kennedy, la mobilisation étudiante… Ferguson se construit à travers ces évènements et se passionne, bien sûr, pour le base-ball, le cinéma, la vie à New York et à Paris. Du pur Paul Auster ! Ce roman d’apprentissage où les phrases s’enchaînent comme des évidences crée un fort sentiment d’intimité entre l’auteur et le lecteur. Auster, expert en digression, nous ballade comme dans un rêve éveillé et l’on s’étonne d’avoir avalé si goulûment ces mille pages initiatiques.
Francine Klajnberg
4321- Paul Auster – Coédition Leméac/Actes Sud-Papiers
Photo Pere Farré