Impact
de Olivier Norek

Terrorisme vert, terrorisme durable?

Le roman m’avait été recommandé par une amie, j’ai lu que c’était « Un polar aux accents apocalyptiques qui alerte les consciences » selon le bandeau, appris que « Face au mal qui se propage et qui a tué sa fille, pour les millions de victimes passées et les millions de victimes à venir, Virgil Solal entre en guerre, seul, contre des géants », ça c’était la 4e de couverture, et sous le titre « Impact d’Olivier Norek : la terreur renouvelable » (excellent titre), Le Monde affirmait en novembre 2020 : « L’ancien lieutenant de police signe un polar en forme de manifeste écologique radical, qui se déploie dans une France en crise, à la veille de la prochaine présidentielle ».

Aguiché par tous ces éléments de langage, je me suis précipité sur ce polar, curieux de lire un roman qui avait l’air très militant (et je me demande toujours comment faire passer des idées en écrivant des romans, et d’ailleurs est-ce possible : est-ce que ça ne tue pas le roman?) et très intéressé par cette histoire de terrorisme vert, thème qui à mon avis est promis à un beau développement, aussi bien dans la réalité que dans la fiction ( déjà, dans l’excellent  Après nous le déluge  d’Yvan Robin, il est question – fugitivement – de tueries de masse commises par des écologistes radicalisés ).

Ce roman est assez réussi, il se lit agréablement et on suit les personnages avec plaisir, même si parfois leur épaisseur psychologique est très fine. Il se termine de manière assez étonnante, aussi bien pour la partie policière que pour la partie judiciaire, sans parler du plaisant épilogue uchronique.

Pour ce qui est du questionnement sur le rôle de la littérature dans la défense des causes justes, je suis plus perplexe. Olivier Norek y va carrément : les discours écologistes tenus par les terroristes sont développés, argumentés, et en plus ils le sont sans aucune contradiction, sans aucun opposant, même dans les rangs de la police, même dans la presse, même sur les réseaux : c’est dommage. Le roman dit que 80% de la population soutient les terroristes : c’est improbable. Leurs analyses se déroulent sans tension, comme si tout le monde savait, comme si tout le monde voulait que ça change, comme si seuls les gouvernements et les patrons empêchaient qu’on fasse une réelle transition écologique. Et même en fin de roman, il y a encore des explications, des sources et des références de ce qui a été dit avant. Tout cela peut permettre d’aller plus loin, mais surtout ça a pour but de légitimer les propos tenus et c’est comme si on avait lu davantage un exposé qu’un polar.
Mais c’est bien de polar dont il s’agit, et si la façon dont il est écrit est trop manichéenne, si on aurait aimé que ce soit plus douloureux, plus jusqu’au-boutiste, dans un combat plus douteux, on n’en apprécie pas moins de nombreux moments, dont les petites histoires déconnectées qui se passent un peu partout dans le monde, là où l’environnement est mis à mal et où les humains souffrent, qui mettent en scène des personnages qui existent en quelques mots, et ce avec beaucoup de justesse.

Ce roman pose un jalon important sur la réflexion écologiste, sur la question du terrorisme écolo, de la révolution écologiste que certains appellent de leurs voeux. Une révolution qui renverserait le capitalisme, bien sûr, car sinon, comment faire passer nos vies avant leurs profits?

François Muratet

Impact, Olivier Norek, Michel Lafon 2020, Pocket 2021