Verticalement il n’est pas son genre, horizontalement c’était son légitime, l’homme de sa vie. Dieu sait pourtant qu’elle en a fréquenté des bites « surmontées de leurs propriétaires, alors pourquoi ce cul-là ? ». Lady Chatterley a grandi, elle veut tout, une vie intellectuelle et sociale engagée et son Karedig, amoureux en breton, le seul à l’aimer comme ça.
Benoîte Groult est une bourgeoise, figure féministe et écrivaine reconnue ; dans un récit en partie autobiographique « les vaisseaux du cœur » elle décrit sans détours trente ans d’ébats sexuels entre une George sans « s », parisienne, et un marin breton, père de famille, elle qui n’a rien d’une femme de navigateur. Entre maris, amants de la capitale et marins aux quatre coins du monde, elle fera fi des distances sociales et culturelles pour des retrouvailles charnelles qui la dépassent et dont elle ne cherche pas à percer le mystère.
Josiane Pinson adapte le roman et incarne l’incroyable appétit de vivre de Benoîte Groult, dans une interprétation simple et précise, fiévreuse et distanciée à la fois.
C’est beau, tendre et fragile comme ce qui est nu, Josiane Pinson, timbre velouté à la Delphine Seyrig porte le texte de Benoîte Groult avec beaucoup de classe. Une voix off fait résonner celle de Gauvain, chevalier arthurien de George, qui n’a rien d’un Samy Frey. Il est mutique ou écorche les mots, a des goûts qui heurtent George et l’on se demande bien ce qu’elle peut trouver chez cet homme, hormis ce « diable au corps », qui abolit toutes les distances, toutes les frontières. Gauvain s’offre à elle sans calcul, lui demande de l’initier à la littérature, « dis, tu l’écriras notre histoire, tu l’écriras ? », il est sans filtres, d’une humanité qui va peu à peu transcender leur relation, la transformer en une magnifique histoire d’amour fou.
« D’aventure en aventure, de train en train, de port en port, jamais encore je te le jure je n’ai pu oublier ton corps […] je n’ai pu fermer ma blessure, je t’aime encore », la liberté de cette femme, figure centrale de l’histoire féministe, reste une référence. Avoir vécu ça, trouvé les mots qui décrivent les gestes, assumé son parcours envers et contre tout, respect Madame Groult.
Sylvie Boursier
Photo ©Karine Letellier
Marée Haute adaptation et jeu de Josiane Pinson, mise en scène de Panchika Velez
Jusqu’au 7 mai 2023 à 21h du mardi au samedi, dimanche à 17h30, au théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-d’Elle Champs 75 006 Paris, du 07 au 29 juillet à
Avignon théâtre de l’étincelle à 13h20, relâche les 10, 17 et 24
juillet.
Les Vaisseaux du cœur de Benoîte Groult, Editions de poche 1990.