La Faim du Loup, Seul en scène avec Georges Bécot
« Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas »……
Le loup c’est l’ennemi sur les champs de bataille, le charognard d’en face, la vermine et en même temps, la figure centrale de nos contes d’enfant avec l’ogre, les monstres qui nous terrifient et nous excitent.
Georges Bécot apparait sur une scène dépouillée, tout de blanc vêtu, endosse tous les rôles avec justesse, le loup déguisé en grand mère, la mère qui envoie sa fille dans la gueule du loup, mère-grand qui n’aime rien tant que réciter Phèdre, Barbe Bleu, le pauvre Monsieur Seguin et sa Blanquette, bien d’autres encore; il incarne aussi magnifiquement le narrateur, vieux soldat revenu de tout qui égrène ses souvenirs mêlés aux contes, au fond d’un trou d’obus.
François Roux revisite Grimm, Perrault, Hugo, Daudet et même Albert Camus dans ce bestiaire imaginaire avec beaucoup d’humour et de poésie. « Mémé, dit la petite fille, tu as changé de dentier, tes dents sont jaunes et poilues et puis tu pues de la gueule ! » C’est féroce, Barbe Bleu éviscère joyeusement ses victimes avant de passer lui-même à la casserole. « Le vert paradis des amours enfantines » en voit de toutes les couleurs car le vieux briscard n’a plus rien à perdre « moi la mort, ça ne m’a jamais effrayé. La vie ! Mais la mort jamais ». « S’en fout la mort » revoie son enfance, qu’il n’aurait jamais dû quitter, auprès de la mystérieuse madame B, musicienne de génie dont on suppose qu’elle fut sa nourrice, suite à la mort de sa mère. Avec très peu d’accessoires, une chaise, une carafe, un verre en plastique, une chaine fixée au plafond, une peau de loup, des pommes de terre de couleurs différentes, des serpillères, chaque geste, chaque déplacement de l’acteur est signifiant ; Georges Bécot va à l’essentiel avec un dispositif minimum. La mise en scène taillée au cordeau de Françoise Limouzy met en valeur ce beau texte servi par un comédien subtil au jeu rythmé et précis. Pas de gras, de temps morts, rien à jeter durant cette heure passée avec le vieux loup plein de cicatrices. « Le théâtre n’a pas de mémoire, disait Sarah Kane, ce qui fait de lui le plus existentiel de tous les arts ».C’est pour cela que nous y retournons. Comme à l’enfance.
Sylvie Boursier
La Faim du Loup, Seul en scène avec Georges Bécot, Mise en scène de Françoise Limouzy, texte de François Roux
Les cariatides, 3 rue Palesto 75002 paris métro Etienne marcel, Les dimanches 3 et 10 novembre, le 1 et 15 décembre à 15 h
Photos Juliette Guenon