Laisser sortir la voix. Parler. Prendre les mots, même avec la langue rugueuse d’une parole confisquée. Rompre le joug, ouvrir la gorge pour que la vie prenne verbe, qu’elle prenne corps, rétablir le mouvement, commencer à lutter.
Inspirée d’un fait réel, l’histoire se déroule en 2009 dans une colonie mennonite de Molotoschna, Canada, où des femmes sont régulièrement retrouvées au petit jour inconscientes, battues comme plâtre et violées. Pourquoi et par qui ? L’affaire est entendue, c’est l’oeuvre du malin qui, comme on le sait, rode la nuit. Alors, un jour, des femmes décident de se réunir en secret pour dire les violences que les hommes leur font subir et tenter de changer la donne. Leur langue est difficile, elles parlent à peine, elles n’ont pas l’habitude de s’exprimer. Celles qui vivent en autarcie, tout en bas de l’échelle, n’ont pas le langage du maître.
Tour de force romanesque, Ce qu’elles disent est sans complaisance mais non sans une touche d’humour. Miriam Toews, qui ne nous met jamais dans une position de voyeur, chose suffisamment rare par les temps qui courent pour qu’on le souligne, nous rappelle que l’oppression peut cesser dès lors que des personnes isolées décident de s’unir.
Pierre-Romain Valère
Ce qu’elles disent de Miriam Toews, traduction Lori Saint-Martin, Buchet Chastel 2019
Photo Pere Farré