« Mon sang est ici depuis toujours , aussi longtemps que la terre et aussi peu protégé »
Katherena Vermette est une auteure métisse, née dans le nord du Canada. Elle mêle le français, l’anglais et les langues autochtones comme l’anishnaabemowin, sa langue maternelle – qui persiste à se maintenir en vie dans un monde qui l’ignore ou la marginalise, de la même manière qu’il déforme et efface l’histoire des Peuples Premiers. La poésie de Vermette est une résistance. Comme l’eau, elle charrie la présence et la mémoire, les chuchotements secrets aussi bien que les récits des Premières Nations du Manitoba.
Le livre porte le titre de son poème Femme-rivière. La rivière Rouge, qui traverse le territoire, est une entité sacrée, un symbole de vie, de spiritualité et d’identité. Aujourd’hui, cette route, ce lien vivant entre les générations, est devenue pour partie un dépotoir, miroir de la dégradation écologique et sociale, victime du détournement de l’eau, de la pollution industrielle, des décharges sauvages et du désintérêt collectif.
« Une de ces femmes,
trop vite oubliées,
rompue comme un corps
, qui supplie sans mots. »
Ici, il ne s’agit pas seulement d’une énième atteinte à l’environnement, mais bien d’un crime contre une entité vivante, contre l’essence même des Premières Nations. Dans les mots de Vermette pourtant, la femme-rivière, étouffée à petit feu, comme les Anichinaabés, comme tant d’autres peuples autochtones, et le chant sous-terrain de toute humanité, ne se rend pas.
« Elle est cette femme-là, sa voix juste se projette, (…) car, semble-t-il, une chanson comme elle ne s’éteint jamais. »
Parce qu’en fin de compte, nous dit Vermette :
« nous ne sommes pas moins
que l’énorme ciel tout étiré
rien de plus
que les cheveux ballant qui dansent dedans »
Kits Hilaire
Femme Riviere de katherena Vermette, Depaysage, 2025
Photo: Femme-Rivière © Adèle O’Longh 2025