Feu dans la plaine
d’Olivier Ciechelski

Testostérone

Poursuivant le fil du roman noir rural, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce roman également publié par les éditions du Rouergue. Les événements, car il s’agit bien d’événements, se situent dans le sud-ouest, probablement, dans une région montagneuse un peu loin de tout, où les paysans vivent de l’élevage des brebis, se distraient en allant chasser, où les femmes sont courageuses dans un monde qui est dur avec elles.

Le héros s’appelle Stan, c’est un militaire à la retraite, on ne sait pas trop son âge, ça pourrait être 35 ans, mais on pencherait plutôt pour 55 car il dit de lui-même qu’il est rouillé. Il a dû revenir de ses missions en Afrique avec un petit pactole car le voilà à la tête de 60 hectares, certes pas très cultivables, d’un chalet, d’une bergerie. Le tout sur une colline, avec pour l’essentiel de la forêt et quelques pâturages, et ça lui suffit pour être tranquille et se sentir libre. Il bricole dans son chalet, aménage des terrasses, et il se souvient parfois du bon vieux temps, des camarades, des opérations, des morts aussi, dont celle d’une femme dont il était amoureux, mais il ne le savait pas.
Près de son chalet vit Ghislaine qui est comme une amie, et arrive ensuite Mathilde, une bergère qui s’installe dans une caravane qu’il lui a prêtée.

Le paysage est charmant, sauvage à souhait, le bourg n’est pas loin, avec ses commerces, son bistrot, son maire discret. Tout paraît être assez paisible. Mais voilà, sur sa propriété, qu’on imagine être ouverte à tous les vents et absolument pas bordée de barbelés, Stan découvre qu’un chemin a été tracé, que des arbres ont été coupés, des marques bleues faites ici et là. Bref, les contrariétés commencent et notre Stan n’a pas l’habitude de se laisser marcher sur les pieds.

Formé à l’école des guerres néo-coloniales, doté d’un sens de la discussion et de la diplomatie semblables à ceux d’un AMX30, l’ancien militaire commence à bousculer les notabilités, les chasseurs et ça part du mauvais pied. S’il est clair qu’il est le plus apte dans une bagarre, cela va-t-il suffire dans ce contexte où il est très isolé? Le Beretta qu’il a caché sous une dalle de la citerne est-il un bon moyen de recréer du lien? Les femmes vont-elles pouvoir l’aider ou bien vont-elles le lâcher?

Le récit devient alors très différent, c’est un long crapahut dans la montagne qui s’ensuit, où le militaire va retrouver des sensations et des réflexes qui le mènent pas loin de l’ensauvagement, tandis que la montagne devient un personnage puissant avec lequel dialoguer, se mesurer, à qui demander protection.

Feu dans la plaine est un beau roman, très prenant, un roman qui parle très bien de la nature, de la montagne, des gens et surtout des femmes, qui raconte la virilité toxique bien répandue chez tous ces bonshommes. Le texte n’est pas loin d’être un western à la française, avec des règlements de compte qui ne résolvent rien, où la recherche de la tranquillité n’amène ni la paix ni la justice.

François Muratet

Feu dans la plaine, Olivier Ciechelski, Editions du Rouergue, 2023

Illustration : Feux dans la Plaine © Gina Cubeles