Comme dans une caverne embrumée, des projecteurs extraterrestres virevoltent dans l’espace du plateau à la recherche de… l’inconnu ? L’invisible ? Soudain surgissent des femmes et des hommes, vêtus de noir. Ils arpentent la scène comme des pantins articulés, solitaires, le regard figé devant eux, indifférents à ceux qu’ils croisent et heurtent parfois sans se retourner. Le public est happé, comme par magie, par l’univers métaphysique d’une quête éperdue d’anges déchus ou combattants invisibles.
Raphaëlle Boitel, metteure en scène et chorégraphe, nous élève de notre siège pour nous confronter à ce débat. L’ange des Ailes du Désir, film de Wim Wenders, semble hanter le plateau et la salle dans un va-et-vient qui ne cesse de nous interpeller. Où allons-nous ? Que savons-nous ? Comment rompre notre enfermement, nous rencontrer, nous toucher, nous aimer ? Seul le chaos et l’aveuglement semblent régir ce monde sans lumière. Nous sommes entraînés dans la caverne de Platon où le chemin vers la connaissance est douloureux et ardu.
Cette allégorie chorégraphiée avec conscience et exigence nous renvoie à une réalité complexe et urgente. Enfermés dans leur univers, prisonniers de leur cécité et de leur ignorance, ces êtres qui déambulent n’accéderont à la connaissance que par l’apprentissage. Le besoin d’élévation est à son paroxysme et l’acrobatie devient l’allégorie de ce combat qui se mène sous nos yeux. Risquer de tomber mais être toujours capable de se relever !
Raphaêlle Boitel, passée par l’Ecole Nationale des Arts du Cirque Fratellini, partenaire de James Thierrée de 1998 à 2010, éclaire avec virtuosité le mythe de la caverne et la recherche de son théâtre-cirque résonne fort avec notre présent. Les artistes, virtuoses aussi, Alba Faivre, Loïc Level, Emily Zuckerman et Nicolas Lourdelle, s’unissent autour de cette recherche constante du mouvement circassien dansé, en plus de leurs diverses techniques : mâts chinois, corde lisse, trapèze, acrobatie, fil de fer et même techniques d’accroches et sécurité. Le scénographe et collaborateur artistique, Tristan Baudoin, illumine les chemins tortueux de ces anges et démons, fort de sa maestria en machinerie, vols ou robotique, et envoie dans l’air des projecteurs comme des exoplanètes.
Un voyage interplanétaire qui nous fait décoller et planer loin, très loin…
Frédérique Pierson
Mise en scène et chorégraphie : Raphaëlle Boitel, collaboration artistique, scénographie et lumières : Tristan Baudoin.
Tournée : 3 et 4 mars, Grenoble (38) ; le 7 mars, Bron (69) ; les 10 et 11 mars, Maubeuge (59) ; les 14 et 15 mars, Opéra de Massy (91).