La part sombre au théâtre de la Reine Blanche à Paris
Au début l’attente, j’attends, dit Maïa David dans un coin du plateau, je n’arrive pas à dormir. Je m’allonge et puis je me retourne, et je n’arrive pas à dormir, à la fin, quelques mots du fou d’Elsa, la femme, même cabossée, serait-elle l’avenir de l’homme ?
Entre les deux une grande traversée dans la schizophrénie, quand des voix discordantes vous soufflent des horreurs. Cette histoire est la sienne, celle d’une jeune comédienne au-dedans trouée par le dehors, poreuse à tous les vents, ballottée de psychiatre en psychiatre. Aujourd’hui Maïa nous regarde droit dans les yeux et l’on mesure ce que c’est qu’être là à jouer sa vie. Quand on souffre d’un trouble bipolaire, être un double de soi-même sur la scène, c’est assez vertigineux. En même temps être comédienne c’est incarner de multiples personnages et quand le délire prend une forme psychotique, on est servi ! Médecins, famille, partenaires, Gaëlle Héraut, le metteur en scène, utilise la capacité de métamorphose de la comédienne pour orchestrer une dramaturgie polymorphe à un seul personnage. Les lieux où se croisent les protagonistes défilent, de cour à jardin, parfaitement quadrillés en fond de plateau, grâce à quelques accessoires, une table, un tapis, une chaise et un éclairage tamisé. Comment paraître normal lorsqu’on a des hallucinations auditives ?
L’adresse au public est directe et sans fard, l’incrédulité face aux médecins, le sentiment d’être souillée, la relégation, la force du langage. On tente de rester verticale face à la honte sociale, l’humour instaure une juste distance. L’interprétation est extrêmement juste, lumineuse, légère, on rit par instants et on frémit en voyant la puissance du théâtre à créer une autre réalité que la sienne. La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane […] C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien mais jouer c’est la joie.
Photo @Gaëlle Héraut
La part sombre, mise en scène de Gaëlle Hérault au théâtre de la Reine Blanche du 16 septembre au 9 octobre à 21h, le samedi à 20h.
Tournée :
Du 10 au 13 février 2026 au CDN de Nancy.