Photo © Gina Cubeles 202

La Prédation
de Caroline Ducey

La fin de l’imposture Breillat

Je me souviens du film Romance X, triste navet qui assène un poncif après l’autre sur ce que sont et veulent les femmes, ce que sont et veulent les hommes, qui passe son temps à nous expliquer que finalement, hein, allez quoi, il faut bien le dire, les femmes – qui ne sont pas vraiment femmes avant d’être mères (si, si !) – appellent le viol à grands cris, et les hommes, pauvre d’eux, aspirent à les respecter mais, en somme, pas moyen, toutes des salopes !

Je me souviens de mon indignation quant à la revendication de Breillat, la réalisatrice, de faire tourner des scènes de sexe « non simulées » à ses acteurs, à son actrice. Selon elle, aucune contradiction : « Les acteurs sont des prostitués parce qu’on leur demande de jouer d’autres sentiments que les leurs. » Nous sommes dès lors en droit de nous demander si ce raccourci à deux balles inclut aussi les enfants qui jouent à dans les cours de récré ? Sans doute, puisqu’ils sont aussi présents dans le film sous forme d’élèves de CE ; la jeune protagoniste étant une maîtresse d’école – aucun cliché ne nous est épargné. Pour Rocco Siffredi, pas de problème, il avait l’habitude des actes sexuels tarifés, mais pour la jeune femme de vingt ans qui tenait le rôle principal, c’était une autre affaire.

Je me rappelle m’être forcée à visionner ce film quelques années après sa sortie – chez une copine, pas au cinéma, n’exagérons rien – avec un ennui à la hauteur du malaise que j’éprouvais en regardant la comédienne. Le même genre de répulsion qu’en voyant ce qui était fait à Maria Schneider dans Le Dernier Tango à Paris.

Et voilà qu’aujourd’hui la confirmation arrive : violée, bousillée, pas plus consentante que Maria et tant d’autres. Massacrée à peine éclose. Caroline Ducey vient de sortir un livre ; vingt-cinq ans plus tard.

Et voilà que l’inénarrable réalisatrice, du haut de son piédestal d’autrice de films d’Auteur – et d’ex-prof de Columbia et de La Femis (suite au succès de Romance X) -, porte plainte contre elle pour diffamation ! Dans la droite ligne de son film misogyne et de la bonne vieille tradition des mères maquerelles, elle clame que « ce fatras populiste » est « bien dans l’air irrespirable de ces temps rétrogrades, où l’on essaie de faire plier le cinéma d’auteur sous le joug d’un totalitarisme puritain. »
La vache ! Elle veut nous la refaire à l’envers. Comme lorsqu’elle promenait sa vieille resucée de fantasmes masculins dans les colonnes des magazines de ciné.

Alors, même si Breillat va au tribunal et qu’elle gagne, ce qui est possible – parce que le milieu du cinéma est puissant. Parce qu’elle est une femme et que donc… – je me souviens de ce que j’ai vu. Entendu. Et je crois Caroline Ducey quand elle écrit :
« Quand la parole s’est libérée avec l’arrivée du mouvement Me Too, la mienne a été rejetée parce qu’elle risquait de décrédibiliser celle des femmes, car c’est bien une femme, une femme encensée par la critique et qui plus est une icône du féminisme, que j’accuse. »

En attendant la chute des autres prédatrices grimées en féministes…

Kits Hilaire

La Prédation de Caroline Ducey, Albin Michel 2024

Photo © Gina Cubeles 2024

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