Au pays des merveilles
Voilà un polar qui ne manque pas d’énergie, de situations folles, de propos à la fois détonnants et très cohérents. Les Editions Le Morse rééditent avec pertinence ce roman paru initialement en 1999 chez Baleine, d’ailleurs le premier roman d’Elise Fugler, et ce n’est pas inintéressant de nous replonger dans le monde d’avant internet, avec des personnages qui appellent depuis des cabines téléphoniques et des recherches qui se font sur Minitel.
Alice, l’héroïne, n’est pas vraiment contente lorsqu’elle se retrouve dans la situation inconfortable de recel de morceaux de cadavre. Elle a beau aller à chaque fois au commissariat avec son échantillon et sa bonne figure, les flics la trouvent de plus en plus suspecte. Pourtant elle n’a qu’un but dans la vie, du moins à ce moment-là, c’est de finir sa thèse sur un philosophe peu connu, Ladislav Klima. Mais c’est bien difficile de se concentrer avec tout ce qui lui arrive, et notamment lorsqu’une femme la croit détective privé et lui demande d’enquêter sur un beau jeune homme. Jalousie, imagine Alice, mais l’affaire va se révéler plus complexe. Surtout lorsqu’elle met le jeune homme dans son lit.
Un nouveau frigo est livré, déjà rempli par ce que je vous laisse deviner. Enquêtrice, Alice est maintenant en danger, elle est suivie alors qu’elle pensait suivre, et ce qu’elle découvre peu à peu la sidère. Heureusement elle trouve une ribambelle d’alliés dans sa recherche, des copines bien sûr mais aussi sa directrice de thèse, et même un vieil anarchiste qui la protège, car c’est risqué d’aller fouiller dans des anciennes histoires d’assassinat.
Ce roman est très enlevé, très disruptif, imprévisible comme Donald T, mais en bien plus rigolo. Elise Fugler nous prend volontiers à contre-pied, l’enquête part dans une direction puis une autre, le lecteur doit s’accrocher s’il veut suivre, mais il peut aussi se laisser porter par les rebondissements multiples tout en craignant qu’Alice ne se fasse refroidir, elle aussi. Car c’est bien vrai, les frigos ont horreur du vide.
Un roman à lire pour son côté spontané et déjanté, son style vif et ses tournures amusantes, ses personnages attachants qui révèlent un univers traversé par quelques brins de folie et de nombreux éclats de rire.
Les frigos ont horreur du vide, Elise Fugler, Éditions Le Morse, 2025.
François Muratet
Photo © Adèle O’Longh