Les mots de Michka se sont perdus, envolés. Elle les détricote, s’emmêle les pédales, c’est le début d’une fin de vie. À la suite d’une chute dans son appartement, elle ne peut plus rester seule, alors elle entre en EPHAD, après un entretien infantilisant. Mais malgré son grand âge, elle n’est pas prête à se laisser faire. Sa fausse docilité recouvre une colère dévastatrice, un côté rebelle qui lui fera refuser la maison de retraite comme entreprise de démolition où vieillir est un immense désastre. Marie, liée à elle par un sentiment quasi filial, intense, vient la voir et s’occupe d’elle en dépit de sa sensation d’impuissance. Jérôme, l’orthophoniste humaniste, s’adapte à ses humeurs et ses envies avec patience. Tous les deux ont une furieuse envie de réaliser le souhait le plus cher de Michka… Avec une économie de mots, un style dépouillé, sans fioritures, comme le sont les vieux qui perdent le superflu au bout du chemin pour ne garder que l’essentiel, Delphine de Vigan nous raconte délicatement le naufrage de la vieillesse, ses désirs têtus, et ce besoin tenace qu’a l’humain de dire merci aux personnes bienveillantes de sa vie.
Francine Klajnberg
Les gratitudes de Delphine de Vigan, JCLattés 2019
Photo Pere Farré