Politique de la ville
Quand on est maire, on veut que sa ville soit plus belle, plus grande, avec plus de services à la population, des jardins publics pleins d’enfants qui rient et de mères qui sourient, et des fleurs ici et là, partout, au bord de rues propres, asphaltées à neuf.
Dans le dernier roman de Christian Roux, le maire veut peut-être tout ça, mais surtout qu’il y ait moins de pauvres qui zonent, moins d’artistes qui font n’importe quoi, moins de jeunes qui font la fête dans le squat, moins de quartiers ouvriers pittoresques mais déglingués, plus de nouveaux bâtiments, de nouvelles résidences remplies de cadres sup (avec un chien, un chat, deux enfants), plus d’impôts locaux qui rentrent, et plus d’argent dans les poches de ceux qui prennent des décisions.
D’ailleurs la femme du maire est au conseil d’administration de la Française de maçonnerie, entreprise qui détient, ô surprise, le marché de la rénovation du quartier des Mines, vieux quartier ouvrier qui doit disparaître. Certes des logements sont encore occupés, mais on rachète, on expulse, on intimide, ça va être vite réglé.
C’est dans cet univers impitoyable que se déroule le roman, et de nombreux personnages incarnent les intérêts contradictoires qui s’affrontent. Parmi ceux-ci, j’ai beaucoup aimé Richard, ancien mercenaire et brute sans principe, Kofi, dealer et sorte de Zorro local, Khaled, ancien photographe de guerre qui a trop d’images sales dans la tête et Élise, agitatrice improvisée, courageuse et à l’évidence inconsciente des dangers. Mais il y a aussi la capitaine de police qui a une belle vision de son métier, le boulanger qui revient de loin, l’imam un peu trop rigoriste, le rappeur qui aimerait percer dans autre chose que le trafic.
La tension se fait plus forte alors que les uns résistent et que les autres décident de lâcher les chiens, et dans chaque camp, la violence devient une solution pour en sortir, les bonshommes mettent les couilles sur la table, reste à savoir qui a les plus grosses.
Que la guerre est jolie est un roman qui parle de ce qui nous entoure, de ce qui est à l’œuvre un peu partout en France et ailleurs, qui le fait de manière enlevée et très vivante, on est emporté vers le tourbillon final, un feu d’artifice façon dialogue russo-ukrainien, et l’adage se vérifie sous nos yeux : pas de justice, pas de paix.
François Muratet
Que la guerre est jolie, Christian Roux, Rivages, 2018
Que la guerre est jolie © Gina Cubeles 2022