Roda favela
au théâtre 11
Avignon off

Quatre ans de Bolsonaro, l’extrême droite au pouvoir dans un quotidien fait de survie, de petits boulots, de discriminations multiples, ça vous tue ou ça vous galvanise. Les douze jeunes danseurs des favelas de Recife ont choisi de danser leur vie. Leur intimité est la matière même du spectacle, un jeune accro aux poppers nous harangue, une jeune femme s’initie au violoncelle par internet et contre toute attente y parvient, une sœur fait rempart de son corps pour protéger son frère, un couple joue aux feux rouges lorsque le mari s’est fait voler son premier salaire, entre chaque pastille des moments choraux d’une force incroyable, qui fusionnent les disciplines (théâtre, hip-hop, percussions, break danse) ils savent tout faire ces artistes du grupo Pe no Chao ! Ce sont des extraterrestres, ils s’envolent, s’enroulent, se déroulent, sinueux et agiles. On reste sans voix également devant leur puissance narrative qui montre la violence et la beauté des cultures « mainstream » sous un régime qui considère les homosexuels comme des dégénérés et les habitants des favelas comme des sous-hommes.

Concerts de casseroles à la vue du journal télévisé avec à la une le dictateur. Vous avez eu beau faire, beau dire, Monsieur, on ne voit qu’eux, leur talent brûle les planches et le Brésil est l’invité d’honneur du festival off cette année.

Recife est l’une des villes les plus meurtrières du monde, que le sociologue José Luiz Ratton croque en un parallèle inquiétant : « Le problème de Rio de Janeiro, c’est le crime organisé. Ici, c’est le crime désorganisé. » Dans les quartiers populaires, des groupuscules s’affrontent tous les jours, tandis qu’a Setubal, le quartier chic les gens se barricadent. De là, les murs, les clôtures, les grilles qui séparent les espaces dans les villes. Il y a une dramatisation physique des limites, des frontières.

Laurent Poncelet l’a parfaitement assimilée dans sa mise en scène quadrillée, barrée d’un mur de cages d’où sortent pèle mêle, des têtes, des mains, des bouches, des corps. Alors, quand un des membres du groupe est tué, toute la communauté se retrouve sur la place publique, aux sons de riffs endiablés. Elle crée un mur de son qui donne du corps à la musique, aiguillonnante, tranchante. À Avignon, tous sont d’une folle liberté !

Sylvie Boursier

Photo @ Laurence Fragnol

Roda favela, mise en scène de Laurent Poncelet, au théâtre 11 à Avignon du 7 au 24 juillet à 21 h 30, relâche les 11 et 18 juillet.