Il est des êtres qui deviennent de plus en plus beaux en vieillissant. Littéralement, physiquement. C’était le cas de Jean-Jacques Reboux. Il avait des yeux de plus en plus grands et brillants, des pommettes plus marquées, des cheveux plus drus, un sourire de plus en plus clair… Comme si ses qualités de coeur se révélaient de façon indiscutable sur son visage. Le gris lui allait bien, le poil blanc lui allait bien. Il manifestait avec encore plus d’éclat ces qualités qu’on attribue généralement à l’enfance; une candeur, une manière d’aller vers les gens en toute confiance, les mains ouvertes, une générosité sans frein, un non-jugement de l’autre, une sincérité à toute épreuve, une foi absolue en l’amitié…
J’ai rencontré Jean-Jacques à Vauvert, au pays des vachettes et, à l’époque, du front national, où nous étions en résidence d’auteur en rase campagne. On fait parfois de ces choses, alléchés par l’appât d’un gain pourtant peu gras. Quoi qu’il en soit, dans cette adversité, nous sommes tout de suite devenus copains. C’était il y a longtemps. Nous avions en commun, outre une aversion prononcée pour les braillards à cocarde, un grand enthousiasme teinté de spleen et un esprit d’enfance tenace.
Jean-Jacques Reboux était mon ami. En tant que tel, il était fidèle, absolument. Il était loyal, absolument. Tout comme il l’était avec ses autres amis. Il était d’une probité et d’une véracité sans égales. Je mesure à sa juste aune la perte qui est la mienne aujourd’hui. Dans une vie, on compte peu de ces amitiés-là.
Nous avons beaucoup ri ensemble, nous avons réfléchi, chanté, conversé, nous nous sommes émerveillés, tellement… Il y a peu de douleurs comparables à la perte d’un ami si cher.
Kits Hilaire