Si vous avez du mal à supporter les queues devant les magasins de vêtements ou d’électroménager et que le retour à la visibilité du mode consommation vous brise le cœur, si les coups de coude des pressés de tout poil ou les regards gratuitement furibonds de ceux qui vous croisent vous plongent dans les affres, si les débats politico-pharmaceutiques vous irritent autant que l’interdiction faite au généraliste qui vous a vu grandir de vous prescrire ce que bon lui semble, si le bruit que vous ne remarquiez pas auparavant vous empêche désormais de dormir, si l’omniprésence de la police et l’absence de canards et de hérissons dans les rues vous désespèrent, bref, si vous êtes fâchés avec une bonne partie de l’humanité en cette période de déconfinement et que le cafard vous guette, regardez Un divan à Tunis de Manele Labidi, une comédie qui vous réconciliera – peut-être, ou du moins en partie –, avec le genre humain.
Selma est psychanalyste. Lasse de sa vie parisienne ainsi que de son cabinet vide, situé dans une rue qui ne compte pas moins de neuf de ses confrères, elle décide de quitter la France pour Tunis où elle emménage au dernier étage d’une maison familiale dont son cousin occupe le rez-de-chaussée. Malgré les Cassandre qui augurent qu’elle court à l’échec, que personne, dans ce quartier populaire, ne paiera simplement pour parler et qu’elle ne tiendra pas trois semaines avant de rentrer en France, Selma s’entête. Elle fume cigarette sur cigarette en trimbalant sa mince silhouette dans les rues de Tunis et installe divan, fauteuils et portrait de Freud dans la salle de consultation de son appartement sur les toits.
Le jour de l’ouverture, en dépit des prédictions contraires et de chicaneries administratives sans nombre, le cabinet est littéralement pris d’assaut par une clientèle disparate. Les patients font la queue jusque dans la rue pour prendre rendez-vous. De la coiffeuse qui ne supporte pas sa mère à l’ancien prisonnier devenu paranoïaque, du boulanger gay au policier attentif aux actes manqués, en passant par le père de famille terrifié par sa vie et l’adolescente rebelle, tous souhaitent parler à Selma.
Avec Un divan à Tunis, Manele Labidi signe un premier film intelligent et drôle où l’actrice Golshifteh Farahani incarne avec brillo une jeune psychanalyste qui échappe aux clichés.
Adèle O’Longh