Un petit camion en bois découvre le monde, il progresse dans une maison ancienne, dans un jardin, abandonnés. Des miniatures au crayon représentent des vues de la maison, dehors et dedans. Puis l’artiste filme, couchée sur une planche à roulettes, des paysages à hauteur de petit enfant.
Plus tard une poupée fait l’amour avec un squelette. Les dessins au crayon sont toujours réalisés sur de vieux papiers lignés, feuilles de cahiers de comptabilité. Des papiers faits pour compter, planifier, contrôler. Depuis trente ans, sur ces pages, Valérie Sonnier dessine des paysages, des lieux abandonnés, un hôtel incendié dans lequel Sissi a séjourné… Sissi, la vraie ? la jouée ? la jouée jouée ?
Ici nous présentons 3 dessins issus d’une série sur les rapports de tendresse, de plaisir et de pouvoir entre une poupée et un squelette. La poupée a le crâne ouvert, la penserait-on décérébrée ? La mort peut se coller, séduire, embrouiller le visage et le corps impassibles, la poupée n’est pas, n’est plus, sa dupe. Le jouet déjoue.
Comme il est loin et court, l’âge tendre… mais comme il nous accompagne tout le long du chemin ! Jeux d’adultes, jeux d’enfants, les fantômes de nos propres existences pointent leur nez. Tout au long du fil que déroule Valérie Sonnier, l’absence, le vide, le mystère, imposent une contradictoire présence matérielle. Les vivants ne sont pas là mais leurs traces, leurs empreintes, leurs soucis constituent un univers prégnant, terrain d’énigme, que l’artiste nous propose de découvrir sous ses crayons, son pinceau ou les mouvements de sa caméra super 8. Les points de vue sur les sites abandonnés, sont focus, dézoomés, entravés par des branchages, par la pluie, la neige ou bien par l’épaisseur des matériaux de construction eux-mêmes, pierre, bois, décors… Leur exploration se fait aussi grâce à l’imagerie scientifique, la radiographie, les contrastes inversés, la lumière jaune. Il s’agit d’explorer, de comprendre des fragments de réalités évaporées.
Depuis les premières miniatures mesurant quelques centimètres carrés, dessinées comme des plans films aux grandes toiles de plusieurs mètres carrés il y a un recul significatif. De l’enfance à la maturité, entre la vision au sol et le surplomb sur un paysage, nous assistons à la maturation d’une œuvre qui se déploie avec force et délicatesse.
Une série de tableaux-dessins nommée Les roses, s’inspire de la réplique de Jean Marais dans le film de Cocteau La belle et la bête : Vous pouviez tout prendre chez moi sauf mes roses. La phrase prend une ampleur inattendue et interroge : De quoi serait-il insupportable que l’on vous dépossède ? La série de 15 grands tableaux présente le forfait, la disparition des roses, espaces réservés, blancs, au milieu des feuillages. Les fantômes de roses hantent les toiles. Et tout comme les dernières peintures en cours de réalisation, elles nous emportent vers des mystères, jeux de cache-cache qui se dévoilent à qui prend le temps de fréquenter cette œuvre riche, féminine et féministe.
Jusqu’au 31 octobre Valérie Sonnier expose des images dans le cadre de la programmation « Habiter le lieu » proposée par Anne-Laure Chamboissier, au château de Montrésor (Touraine). Elle y présente un film de 10 minutes, remarquable. Il s’agit d’une exploration de ce château Renaissance habité depuis sept générations par une famille polonaise exilée vers 1848. Ce film témoigne de la démarche de l’artiste, de l’intensité de sa recherche. Certes il ne reste pas grand-chose des existences passées, perdues dans les limbes du temps mais, à défaut de les ramener à la vie, Valérie Sonnier propose de les ramener à nos vies.
Alegría Tennessie
Liens vers le travail de Valérie Sonnier :
http://www.valeriesonnier.com/pages/menu.html
http://nadjavilenne.com/https://www.instagram.com/valeriesonnierstudio/
https://chateaudemontresor.com/informations-pratiques/venir-a-montresor/
https://www.connaissancedesarts.com/arts-expositions/art-contemporain/art-contemporain-valerie-sonnier-heritiere-de-la-photographie-spirite-11160035/
Photo : Badeschloss 1, série, détail