Sanselina commence par un accident spectaculaire et inattendu, la percussion improbable d’une voiture avec la vitrine d’une bibliothèque. On est alors vite attrapé par le récit et transporté à Sanselina, une petite ville au Mexique au début du XXe siècle, mais ça pourrait aussi bien être à la fin, la modernité n’atteignant pas si facilement les couches les plus pauvres de la population.
On est chez les déshérités donc, un premier temps avec des enfants qui vont à l’école et qui y expérimentent la force du groupe, l’ébauche d’un clan, un deuxième temps avec les mêmes, dix ans après, alors qu’ils essaient de sortir de leur condition, les uns par le travail, les autres par la violence, un troisième temps vingt ans après, alors que le clan est devenu puissant, qu’il règne sur la ville, mais aussi que la folie guette certains de ses membres : trop d’argent, de sexe et de drogue.
Les trois temps sont racontés de front et cette prouesse rend le roman très vivant, très tendu, Nicolas Jaillet est à l’aise dans cette narration tourmentée, à l’image de ses personnages.
Ceux-ci sont forts, prenants, on reste longtemps avec eux une fois le livre fermé. Il y a les frères Martin qui développent une justice parallèle dès la cour de l’école, préférée à celle des maîtres par les élèves, Eduardo qui prétend séduire des jolies filles et qui se croit malin, Felipe qui sait qu’il ne l’est pas, qui préfère le rôle d’âme damnée, et puis surtout il y a Pablo, le dur, le rusé, le caïd, le sensible aussi, qui aime Dolorès, l’ange de cette cour d’école, la bonne élève à qui tout réussit, à la fois inatteignable et tellement proche d’eux.
Comment ils évoluent, se perdent et se retrouvent, c’est ce que raconte ce roman très réussi, écrit après un long séjour au Mexique, un roman terrible où la violence est omniprésente, qui raconte des histoires douloureuses, des trajectoires compliquées, des destins comme des feux d’artifice, flamboyants et éphémères.
François Muratet
Sanselina de Nicolas Jaillet, Folio policer 2009