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Fille de est un très bon polar qui nous attrape et ne nous lâche pas, avec des personnages forts, des situations parfois violentes, parfois drôles, quelques fois tristes. Tout cela au service d’une intrigue qui nous fait réfléchir sur l’absence, la disparition de ceux qu’on aime, l’attachement même quand on a décidé de couper les ponts.
Christian Roux nous déroule une magnifique histoire, très télégénique, avec comme personnage principal, Sam, une jolie mécanicienne qui a son garage où elle répare de belles vieilles voitures. Elle adore son métier et aimerait bien qu’on ne lui casse pas les pieds. Mais voilà, Sam est la fille d’Antoine, un braqueur doublé d’un assassin, elle a été sa complice pendant des années jusqu’à ce qu’un drame mette fin à cette drôle d’entente et la persuade de tracer sa propre route et de disparaître. En se jurant de ne plus jamais revoir son connard de père.
Le roman commence avec des retrouvailles un peu tendues. Frank, l’associé d’Antoine, met un coup de pression à Sam pour la convaincre de s’occuper de son père, très diminué après une crise cardiaque. Elle doit à tout prix lui faire retrouver la mémoire, ce qui permettrait de savoir où il a caché le magot du dernier braquage.
A rebours de notre attente, voilà Sam qui va s’occuper de son vieux père devenu gâteux et impotent, l’œil éteint dans son fauteuil roulant, ce qui n’empêche pas ses neurones de se connecter de temps en temps et le débris de faire preuve d’une surprenante — et brève — vivacité.
Mais entre deux éclaircies, le gars est bien mal en point et voilà notre héroïne qui affronte la dure réalité des employées d’EHPAD. Elle lui donne à manger et ramasse ce qu’il renverse, l’emmène aux toilettes et essuie ses fesses, lui donne sa douche et le met en pyjama. Tout cela pendant que le duo erre sur les routes de France à la recherche de lieux qui pourraient durablement raviver la mémoire du daron. C’est souvent juste et bien vu, drôle et surprenant, et puis tout d’un coup l’auteur apparaît derrière le narrateur, prend ses distances avec l’histoire qu’il nous raconte et les personnages qu’il anime pour nous parler d’un événement qui l’a marqué à jamais. C’est court et émouvant, joliment décalé et tout de même intégré à l’histoire, et puis le narrateur reprend le dessus, l’histoire s’accélère, le polar reprend le pas sur le roman social, sur les souvenirs douloureux. Les moteurs vrombissent, les truands s’agglutinent, les bastos sifflent dans l’air saturé de fumées pour décider qui va prendre le butin, qui va payer pour les crimes passés, qui va tirer sa révérence avec panache.
Fille de a tous les ingrédients du bon polar, avec en plus cette distance particulière aux romans de Christian Roux, une sensibilité qui leur donne un ton et un style original, une écriture très fluide quand bien même ça défouraille de tous les côtés. Un polar à lire, assurément.
François Muratet
Fille de, Christian Roux, Rivages Noir, janvier 2024
Illustration : Fille de © Gina Cubeles 2024