Il est des pays où l’écriture de Stefan Sweig est dite désuète, où son style est, paraît-il suranné. Pas en France. Pourquoi ? En partie grâce à son traducteur, l’anarchiste Alzir Hella, qui, bien que fidèle à l’auteur, avait tendance à imprimer un ton bien à lui dans ses transcriptions, avec l’assentiment de ce dernier.
Né à la frontière franco-belge, correcteur d’imprimerie et syndicaliste, Alzir Hella (1881-1953), était à la fois le traducteur, l’agent littéraire, et l’ami très proche de Stefan Zweig.
Tandis que Zweig dénichait pour Hella les derniers succès éditoriaux allemands qui pouvaient donner lieu à une traduction en français, lui avait carte blanche pour la négociation des contrats éditoriaux de l’auteur.
Hella a réalisé un travail considérable au service des textes de Zweig et contribué largement à le faire connaître en France. « Amok ou le Fou de Malaisie », premier succès littéraire de l’écrivain dans l’hexagone, est le fruit de leur première collaboration.
« Lorsque nous sommes ensemble tous les deux, il faut que ce soit à tout prix un moment drôle et plein de joie, et pas seulement un moment d’ailleurs, mais bien quelques heures lumineuses. » Disait Stefan Zweig.
« L’ami Hella » a parcouru en tous sens les routes européennes, en apprenant en chemin les métiers qui se présentaient et les langues qu’il avait l’occasion d’entendre – fraternité et révoltes, solidarité et combats –, tout en défendant l’œuvre de son ami viennois.
Ainsi, le 28 février 1939, après qu’Hitler eut annexé l’Autriche, de
Londres où il était exilé, Zweig lui écrivait : « Mon vieux, tu as toute
mon œuvre en main, tu es le seul qui en dispose ».
Aujourd’hui que les éditions dans de nouvelles traductions se multiplient, n’oublions pas celui que Stefan Zweig considérait comme sa voix française. Lisons cette excellente biographie qui nous en apprend plus sur Alzir Hella, l’indomptable, et cet étonnant tandem qui nous a donné de si beaux livres.
Kits Hilaire
Alzir Hella, la voix française de Stefan Zweig, de Anne-Elise Delatte, Borrego, 2018
Illustration © Adèle O’Longh