Chronique judiciaire
de Séverine Chevalier
Regards croisés

On connaissait les romans de Séverine Chevalier, on avait repéré et apprécié son talent de conteuse, son écriture innovante, ses ambiances réalistes et poétiques à la fois, la couleur bien noire de ses textes. Avec Chronique judiciaire, un texte d’une centaine de pages publié dans une très jolie édition, on découvre un autre aspect de son talent, l’écriture au jour le jour de ses réflexions sur la vie, les gens, de ses sentiments, ses introspections parfois, et toujours une langue admirable dans sa précision, sa justesse, la force de ses images, de ses dénonciations, son humour désespéré aussi.

De ce nuage de virtuosité tranquille et de talent sans esbroufe émerge peu à peu cette « chronique judiciaire », le récit d’un bras de fer avec la justice pour faire reconnaître la réalité de mauvais traitements à l’égard d’enfants handicapés et notamment de son fils autiste, placé dans une institution censée le protéger, mais qui en fait l’accable et aggrave son état. Tout cela du fait d’une employée tranquillement toxique, imperturbable dans sa domination sadique et sa certitude d’être inattaquable.

Il y a de la rage dans ce livre, une colère à laquelle on ne peut rester indifférent, une sensibilité qui nous touche. Mais on y trouve bien d’autres choses, un regard sur le monde, sur soi, une façon de penser et d’écrire, de se dévoiler, qui est plaisante, originale, qui force la sympathie.

L’ensemble des textes couvre un peu plus d’un an, de novembre 2020 à janvier 2022, c’est la période du temps judiciaire. On suit parmi d’autres événements et d’autres dévoilements l’évolution de la procédure, on connaît l’argumentation sournoise de la défense, on souffre avec les parties civiles de la violence judiciaire, de l’inhumanité des magistrats, on découvre sans vraiment être surpris le sexisme incroyable de l’institution qui réduit à pas grand-chose la parole d’une mère, on constate son indifférence lorsqu’elle n’entend pas celle d’un enfant handicapé.

Et surtout on est avec Séverine Chevalier, qui nous parle aussi d’elle et de son monde, de ses peurs et de ses victoires, de ses joies et de ses défaites, qui nous fait rire parfois, qui nous révolte souvent, et qui écrit tellement bien.

François Muratet

Chronique judiciaire, Séverine Chevalier, Éditions Dynastes, 2023