Un autre tambour de
William Melvin Kelley

Réédition d’un livre sorti en 1962 aux États-Unis, et publié en 1965 par Casterman, premier roman de William Melvin Kelley, auteur noir américain qui s’était réfugié un temps à Paris, à la fin des années soixante, après avoir couvert le procès de Malcom X.

L’histoire se situe en 1957, dans le sud profond des États-Unis, alors que règne encore la ségrégation raciale qui ne prendra fin qu’en 1964. L’auteur donne la parole aux blancs d’une petite ville imaginaire, dans un comté qui pourrait être le Mississippi, après que tous les noirs de l’État, qui pourrait être le Missouri, ont décidé de partir pour des cieux plus cléments « où ils auraient simplement la moindre chance de vivre ou de mourir décemment ». Ceux qui restent, les blancs « n’ayant pas vécu assez longtemps dans un monde dépourvu de visages noirs » pour être sûrs de pouvoir se passer d’eux, quand ils ne tentent pas de les retenir, par la force au besoin, s’interrogent sans fin sur les raisons de cet inconcevable évènement.

Roman novateur pour l’époque, autant par sa forme, dépassant les limites d’un récit réaliste, que par son fond, retracer l’histoire d’une communauté opprimée, en creux, à travers les voix des oppresseurs, il avait été encensé à sa sortie aux États-Unis avant de sombrer dans l’oubli. Si dans l’introduction à la réédition anglaise, on peut lire que «beaucoup de lecteurs blancs ne voulaient pas d’un écrivain noir qui leur dise ce qu’ils pensaient », il n’en reste pas moins que William Melvin Kelley, acclamé par les militants des droits civiques en 1962, a disparu de lui-même, refusant de vivre dans un pays qui avait assassiné coup sur coup Malcom X, Martin Luther King et John Kennedy.

Rentré aux Etats-Unis à la fin des années 1970, il a trouvé un poste de professeur à New-York où il est resté jusqu’à sa mort en 2017, soit un an avant la réédition d’Un autre tambour en Angleterre, devenu best-seller aux États-Unis.

L’auteur n’est plus, donc. Il n’a pas assisté à la réhabilitation de son œuvre. Reste son roman choral déclinant les teintes de l’oppression, aussi bien sous les formes de la haine, de la cupidité et de la colère que de celles de l’incompréhension, du renoncement, de la mauvaise conscience et du désespoir, qui a suivi l’abolition de l’esclavage. Reste une ode magistrale à la rébellion.

Kits Hilaire

Un autre tambour, de William Melvin Kelley, Delcourt 2019

Photo © Adèle O’Longh