La lutte yanomami
Exposition virtuelle sur le site de la fondation Cartier

C’est la rencontre d’une vie. La photographe Claudia Andujar croise par hasard le chemin des indiens yanomanis en 1971, lors d’un reportage commandé par un magazine brésilien au nord de l’Amazonie, dans la zone frontière entre le Brésil et le Venezuela. Dès lors, l’artiste va faire corps avec ce petit pays pour une geste esthétique et politique. Les Yanomani se méfient de la photographie ; ils craignent qu’à leur mort ils ne puissent rejoindre le « dos du ciel », et que leurs proches se consument de mélancolie à la vue de leurs images. Cette exposition témoigne du lien qui unit l’artiste avec cette communauté. « Mon peuple est là, déclare leur représentant, vous ne lui avez jamais rendu visite, mais l’image des Yanomanis est ici. »

L’artiste compose ses photos en les nimbant de  surréel : grand angle, vaseline sur l’objectif, pellicule infrarouge, filtres. Ainsi ce jeune homme dans un hamac traditionnel, voilé de fumée avec des rayons de lumière diffuse. Les parties semi-éclairées sont dans l’ombre. Le clair-obscur rend  féerique le quotidien de ce peuple, restitue sa spiritualité, sa symbiose avec la nature, le ciel, l’eau, le feu. La photographe montre l’expérience sensible et non la plastique, comme dans un rêve, telle cette Ophélie dont le visage flotte à la surface d’un bassin bleu métallique. Elle joue avec une vitesse d’obturation lente, se sert de flashes et de lampes à huile, superpose différentes scènes.

Geste politique aussi, Claudia Andujar donne aux Yanomanis une voix sur la scène internationale. Bénéficiant d’une bourse de soutien de l’État de Sao Paulo, elle leur fournit le matériel nécessaire pour dessiner leur monde, leur vision de la forêt, les événements rituels de leur cosmogonie. Certains des graphiques réalisés font partie de l’exposition. Elle soutient Davi Kopenawa, chaman et porte-parole des Yanomanis dans sa lutte pour la défense de leur territoire. La photographe organise dans le monde entier des installations qui racontent l’histoire de ce petit territoire progressivement dévasté par le développement occidental, les spoliations et les épidémies. La lutte a jusqu’à aujourd’hui payé, pour combien de temps ?

Le  site internet offre une véritable immersion dans l’univers de la photographe brésilienne, photographies, enregistrements audio, vidéos… Autant de supports exploités ici pour une plongée unique et originale au cœur du travail de l’artiste. Cette expérience narrative se divise en trois chapitres, chacun correspondant à trois pans de l’histoire de Claudia Andujar.

Sylvie Boursier

*La Chute du ciel, Paroles d’un Chaman yanomani, ouvrage co-écrit par Davi Kopenawa et Bruce Albert, Plon, 2010

Visite virtuelle gratuite jusqu’au 10 mai sur le site de la fondation Cartier : claudia-andujar.fondationcartier.com

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