Photo © Adèle O’Longh

La Guérison de Jane Gold
par Stephanie Wrobel

Thérapie de choc

A priori, juste parce qu’on a lu le titre, on pense que ça va être une sorte de feel good polar. Bien sûr, il n’en est rien et le malaise s’installe très vite. Jane Gold est une victime, elle a subi l’excès d’amour et de possession de sa mère, on comprend qu’il s’agit du syndrome de Munchhausen par procuration, même s’il n’est jamais nommé. Ce trouble affecte les personnes qui rendent leurs proches malades afin de devenir à la fois intéressantes et indispensables.

On est ici dans du polar psychologique, mené avec beaucoup d’efficacité et raconté d’une façon très originale : les faits ont été reconnus et jugés : la mère de Jane Gold a été condamnée à cinq ans de prison. Le roman commence alors qu’elle sort de prison, et on apprend que sa fille vient la chercher ! Coup de tonnerre dès le début, c’est très fort.

En contrepoint du récit en je de la mère, on a le récit en elle de la fille, cinq ans auparavant, alors que sa mère a été condamnée et qu’elle doit vivre toute seule, surmonter ses peurs et l’image dégradée qu’elle a d’elle-même, surmonter aussi les séquelles de dix-huit ans de mauvais traitements.

Ce double récit se déroule de manière à entretenir notre inquiétude et notre révolte, on s’énerve à voir cette fille martyre recueillir sa mère, être gentille avec sa tortionnaire, d’autant qu’elle a un bébé – le père a disparu – et qu’elle le laisse parfois à sa mère quand elle va travailler. En plus, on sait ce que pense la mère, et celle-ci n’a pas que des bonnes pensées. Si les cinq années de prison semblent lui avoir permis de réfléchir un peu à ses actes, elle reste dans le déni total.

Mais que cherche Jane Gold, qu’espère Patti, sa mère ? C’est ce qu’on se demande tout au long du roman, à mesure que la tension monte et que les risques que ça dégénère deviennent de plus en plus tangibles.
L’histoire s’appuie en partie sur celle, véridique, de Gypsy Rose Blanchard. Celle-ci a été condamnée en 2015 à 10 ans de prison pour le meurtre de sa mère qui l’avait maltraitée pendant toute son enfance.

Pour son premier roman, l’américaine Stefanie Wrobel réussit à nous entraîner dans la vie intérieure de deux personnalités tourmentées que tout oppose, mais peut-être pas tant que ça. Une réussite !

François Muratet

La Guérison de Jane Gold, par Stephanie Wrobel, J’ai lu, juillet 2022

Photo © Adèle O’Longh