Le ballet des retardataires
de Maïa Aboueleze

Tokyo, tambours et tremblements.

Dans ce récit de voyage nous pénétrons dans le monde secret et mystérieux du tambour japonais. C’est en Belgique que Maïa a découvert l’art du taïko. Une bourse d’étude et quelques expressions japonaises en poche, la voici à Tokyo, face à l’école. « Me voilà devant la porte de mes dieux, ceux qui ont réussi à dompter les tambours, ceux qui ont poussé l’art du taïko à des sommets d’élégance, de maîtrise, de beauté et de puissance… Auprès d’eux, je vais avoir accès à la Connaissance. »

Le Japon, c’est une langue, une culture, des usages. Le premier contact est somme toute dépaysant, tout est trop petit, les chaussons, les tables. A l’école, Maïa est accueillie par Akira, unique femme du groupe, seule personne à parler anglais. « Je lui souris et l’écoute avec attention m’expliquer que je ne serai la bienvenue ici que si je respecte à cent pour cent les règles… La place se mérite. L’accès à la Connaissance aussi. »
Voilà qui est dit. Maïa observe, étouffe parfois quelques larmes. Elle ne dédaigne pas les verres de saké qui lui sont offerts. Rien de tel pour renforcer les liens. Car, oui, dans ce récit, on ne boit pas que du thé et de la soupe. On mange copieusement et l’on trinque jusque tard dans la nuit. « Mon hôtesse sort enfin avec de grandes canettes fraîches de bière, de saké, de bière au saké, de saké à la bière, de saké au citron, de bière au yuzu. Elle s’assied face à moi et nous nous regardons pour la première fois. Nous levons nos verres à cette nouvelle rencontre et sans un mot, tandis que mes pieds s’étalent dans leurs chaussons et que mes coudes et mes genoux trouvent leur place, nous buvons toute la nuit comme si nous nous connaissions depuis toujours. »

Au fil des jours, il faut affronter, et cacher, le découragement et la douleur. Les muscles tremblent, les mains saignent, se crevassent à force de taper sur les tambours, il fait chaud et soif. Le soir, ivre de fatigue, Maïa fait l’expérience du métro tokyoïte où « pas un millimètre d’espace n’est laissé libre. Les corps se fondent, se confondent et créent un hybride obèse, hydre à mille têtes qui avale les nouveaux venus pour grossir encore ».
Avec elle, nous entrevoyons parfois un monde de mystères, une présence derrière le rideau, des bruits de pas dans la maison la nuit, un parfum dans l’air, un vent qui soudain se lève. Faut-il croire aux fantômes ?

… « Maïa-san, tu joues comme une Japonaise, maintenant ». La boucle est bouclée. « Peux-tu seulement repartir ? Qui seras-tu en Europe ? Vers quel dieu vas-tu te tourner ? Qui croira à tes fantômes ? »  De l’humour et de la poésie dans ce témoignage captivant et finement écrit.

Elisabeth Dong

Le ballet des retardataires, Maïa Aboueleze, Intervalles, 2019

Photo portable 20 Par tout © Gina Cubeles 2020